Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Maintenant il blêmit dans le soir taciturne ;
Il est livide, lis exsangue !… il s’offre comme
Un calice d’amertumes, une triste urne
À toutes les cendres du jour qui se consomme.

Or à présent qu’il est malade et s’étiole
Et que l’obscurité de plus en plus l’évince,
Je sens qu’un peu de moi vivait dans sa corolle
Et qu’il était ce qu’il fallait que je devinsse,
Lis en qui je voyais mon âme devenue
Une fleur, et recommençant d’être ingénue.

Et c’est pourquoi mon âme avec lui s’anémie ;
Moi-même je me fane en sa corolle soufre ;
Lis – bénitier de mes larmes ! – en qui je souffre !

Pauvre fleur ! Elle empire, elle entre en agonie
Et se crispe, on dirait d’une douleur charnelle,
À cause de ce vaste afflux de crépuscule
— Ah ! tout ce qui, de moi, mourra bientôt en elle !