Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/136

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Le malade sent tout : qu’un parfum se cramponne ;
Que d’autres sont épars dont la présence est bonne :
Calmes fruits pour la soif achevant de mûrir,
Bouquet fleurant à peine et qui se neutralise,
Survivance dans le linge d’un vieux sachet
Qui, depuis des matins d’autrefois, s’y cachait,
Tel un encens d’anciens saluts dans une église.
Puis il perçoit aussi des aromes brutaux
Comme un attouchement d’instruments d’hôpitaux ;
Des relents volatils d’éther et de morphine
Sortis de la fiole où dort leur senteur fine
Qui procure un sommeil frais comme dans un bois ;
Puis des parfums aigris de potions, de ouates,
Des odeurs en sourdine et qui se tenaient coites,
Des poisons condensés, tout à coup aux abois,
Qu’on jugeait prisonniers dans les pastilles closes
Mais qui s’évadent, tel l’hiver hors des flocons,
Et tournent en vertige, exaspérant leurs doses,
Ô câlins, ô rusés, ô furieux poisons,
Qui font soudain que le malade qui s’étonne
Croit, dans l’air fermenté de la chambre, qu’il tonne
Et s’être assis dans un jardin trop vénéneux.