Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/198

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Qui soient neufs, nés en même temps que la figure,
Au lieu de ceux qu’on a, fanés par tant d’adieux,
Dont le sort aboutit, pour faire un moment halte,
À s’accoupler sur tel profil qui s’en exalte.
Yeux dont on ne sait plus l’âge ! Errantes lueurs !
Astres déchus sans cesse en route ! Yeux migrateurs !
Joyaux qui tour à tour ornaient une couronne,
Passent dans un bijou d’église, émigrent dans
Un anneau, sans savoir quel or les environne ;
Joyaux ! Yeux ! qui dira vos clairs antécédents ?

Car les yeux, eux aussi, comme les pierreries,
Vivent d’un destin propre, ont en eux leurs féeries.
Contemporains du luxe âgé de nos aïeux,
Concomitants de je ne sais quels astres vieux ;
Ils possèdent comme une âme rétrogradée,
Faits d’antique azur, faits d’une perle évadée ;
Ils n’ont rien de terrestre et rien de temporel,
Sertis et dessertis, depuis les lointains âges,
Dans la métempsycose éparse des visages…

C’est aussi par ses yeux que l’homme est immortel ?