Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/226

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Mais qu’est-ce une autre terre, une autre floraison,
Et le temps qui chemine avec d’autres visages ?
C’est dans soi qu’on peut voir les plus beaux paysages,
Faible âme, qu’aimantait ce départ d’horizon !

Le voyage est un leurre ; on cesse jour à jour
D’être soi, pour changer selon le site et l’heure ;
Ne vas-tu donc pleurer que si la source pleure,
Et ne penser à Dieu que si tinte une tour ?

Sois toi-même en restant dans ta maison fermée,
Au lieu de devenir un autre à chaque adieu ;
Bonheur subtil d’orner en soi sa destinée
D’un voyage qu’on rêve et qui n’a pas eu lieu !