Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/225

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Ô petite nuée, au vent, qui se modèle
Sur la forme d’un astre ou d’un continent blond
Que, dans sa course molle, elle admire en surplomb ;
Ciel du soir où chaque île a vu sa sœur jumelle !

C’est de toujours partir qu’on est toujours changeant !
Beaux nuages, brume frêle qui s’abandonne !
Moi je vis comme un arbre – et me sens monotone…
Ah ! se quitter enfin soi-même, en voyageant.

Partir ! Être le nuage qui se disperse,
Qui se livre, docile, au vent, aux tours, aux mâts ;
Ne vouloir être aussi que selon les climats
Et selon la douceur de l’heure qu’on traverse.

Recommencer sa vie en la changeant ! Oui, c’est
Se refaire une autre âme en face d’autres fleuves ;
Se sentir toujours neuf devant des roses neuves ;
S’éveiller chaque jour comme si l’on naissait !