Page:Rodenbach - Les Vies encloses, 1896.djvu/240

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L’âme présume un peu sa vie intérieure ;
Elle devine un peu par instants qu’il y a
Quelques enfants de chœur, avec leur voix mineure,
Qui cheminent dans elle en blancs Alléluia.

Vaste univers qu’elle contient et qu’elle ignore :
Tous ces élans, tous ces songes, tous ces essors ;
Tant de péchés nouveaux, une faune, une flore ;
Et des vaisseaux, au fond de l’eau, pleins de trésors !

Clair-obscur traversé d’ombres somnambuliques ;
Désirs s’évertuant à sortir de la mer ;
Rêves anciens crus morts et devenus reliques ;
Fruits d’or où fait son œuvre un invisible ver.

Tant de choses que l’âme aveugle continue :
Des rêves qu’elle sent et qu’elle ne voit pas ;
Une action sans but qui lui reste inconnue
Et dont on ne sait qui poursuit le canevas.