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V


LA TENTATION DE RABBI MATHIA


MIDRASCH.


L’esprit du mal dit à l’Éternel.

« Tous vantent la vertu de Rabbi Mathia ben Harras : m’est-il permis de l’induire en tentation ?

« Va, répond l’Éternel, et tu perdras ton temps. »

Satan prit alors la forme de la femme la plus belle qui jamais ait apparu sur terre et se présenta en face de Rabbi Mathia.

Jamais Rabbi Mathia n’avait permis à ses sens de troubler sa raison.

Jamais Rabbi Mathia n’avait laissé en lui la matière dominer l’esprit.

Toutefois Rabbi Mathia, apercevant cette séduisante créature, fit un geste de surprise, peut-être même d’admiration, puis, se dominant aussitôt, il détourna sévèrement les yeux.

Mais Satan, aussi prompt que l’œil de Rabbi Mathia, faisait suivre à la forme dont il était revêtu tous les mouvements de Rabbi Mathia.

En sorte que, quoi qu’il fit, Mathia ne perdait pas de vue cette fascinante créature.

Alors Rabbi Mathia, craignant de succomber, appela son disciple favori.

Prends un clou, lui dit-il, fais-le rougir au feu, et apporte-le-moi. »

Le disciple prit un clou, le fit rougir au feu et le rapporta au maître.

Et Rabbi Mathia enfonça le clou dans ses yeux.

Aussitôt Satan vaincu tomba à la renverse et s’abîma sous terre.

Alors l’Éternel dit à l’ange de la guérison :

« Va, et rends la vue à mon fils bien-aimé. »

Raphaël accourut auprès de Rabbi Mathia :

« Qui es-tu donc ? lui demanda Rabbi Mathia.

« — Je viens au nom de l’Éternel guérir la blessure de tes yeux.