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Page:Rodrigues - Midraschim et fabliaux.djvu/98

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loi sinaïque a ajouté : « La majorité prévaudra dans tous vos jugements ; rends le jugement d’après une majorité[1]. » (Exode, XXIII, 2.)

Pourquoi donc rabbi Éliézer fait-il intervenir un karoubier, une source, une muraille et une voix, en pareilles questions ?

Et quelle est la seule conséquence qui doive être tirée de leur intervention, si ce n’est que ceux qui avaient étudié leurs lois naturelles s’étaient trompés, et qu’il faut maintenant reconnaître qu’en certains cas les racines du karoubier se déplacent toutes seules et se transportent jusqu’à cent ou jusqu’à quatre cents coudées plus loin ?

Qu’en certains cas, les sources remontent vers leur cœurs ; — qu’en certains cas les murailles obéissent à la parole comme le fer à l’aimant, — et qu’en certains cas les voix du ciel font entendre des arrêts doctrinaux ?

Mais quels rapports existent entre ces observations d’histoire naturelle et la doctrine de rabbi Éliézer ?

Quels rapports existent entre les racines du karoubier, — les sources d’eau, — les pierres des murailles, — les voix d’en haut, — et la logique ?

Sans doute, ces sortes d’expériences étaient intéressantes, et elles ont excité en nous un vif étonnement ; mais étonner n’est pas répondre, et ce sont des arguments qu’il nous faut, et non des phénomènes.

Lors donc que rabbi Éliézer nous aura prouvé que les karoubiers, les sources, les murailles et les voix inconnues offrent, par leurs déplacements inusités, des raisonnements dont la valeur égale ceux que l’Éternel a mis en nous pour servir de guides à notre libre arbitre, alors, alors seulement, nous interrogerons de tels témoins, et nous pèserons leur nombre et la valeur de leurs affirmations.

Jusque-là, rabbi Éliézer, nous nous en tiendrons aux enseignements de la loi.

Les bateleurs et les magiciens d’Égypte simulent des faits plus étonnants encore que ceux dont tu disposes, Éliézer ; faudrait-il donc en conclure la vérité de leurs dieux de pierre ?

Non, Éliézer ; et c’est vainement qu’en des questions pareilles tu t’adresses à nos sens.

Nos sens peuvent nous tromper ; — et lorsqu’ils affirment ce que notre raison nie, ce que notre conscience réprouve, — il faut rejeter

  1. La Vulgate, Luther et Mendelssohn ont suivi cette version (traduction Cahen).