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LA MAISON PÂLE.

partie de sa fortune… Demain nous partirons pour Bordeaux, et de là nous cinglons vers Saint-Domingue…

Il dicta alors à la marquise de Langey les conditions de sa nouvelle vie… Elle devait le suivre, l’épouser, et le voir bientôt assis en maître avec elle à San-Yago, dont la révolte ne pouvait tarder. Son antique puissance allait renaître ; il jurait par la Vierge qu’il n’avait jamais haï que la marquise de Langey, mais qu’il protégerait la comtesse de Cerda.

La créole était demeurée muette de surprise… Elle ne s’attendait pas sitôt à cet extrême parti, elle espérait toujours que l’Espagnol y renoncerait ou que le hasard viendrait la délivrer de sa tyrannie !… Quand elle le vit lui tendre cette main rougie de sang, elle fit un pas en arrière, tout en s’efforçant de paraître calme. Elle attendait cet ordre comme la sentence de l’exécuteur ; une fois prononcé, elle ne dit rien au bourreau…

Les rapports qui paraissaient exister entre Boehmer et Cerda lui firent croire aisément à la connivence du joaillier ; évidemment il ne remettrait pas le ruban, il craindrait que l’Espagnol ne fit retomber sur lui tout le poids de sa vengeance… Les préparatifs de ce départ si subit ne témoignaient que trop l’horrible impatience de Cerda. La marquise se sentit glacée de terreur en voyant une vaste berline remplie de ses objets les plus précieux, qu’il disposait lui-même tranquillement dans sa cour. L’Espagnol y avait placé plusieurs paquets d’armes ; il semblait qu’il se tînt prêt à soutenir un siège partout où il en