Page:Roger De Beauvoir - Le Chevalier De Saint-georges Edition2V4 1840.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
L’IDOLE ABATTUE.

toute rencontre, que son voyage en Angleterre n’avait pas d’autre but que d’éviter M. de Langey. La fureur du chevalier ne connut plus de bornes en apprenant ces nouvelles ; il serra la main de La Boëssière dans une rage convulsive… Il passa trois jours à chercher M. de Vannes par tout Paris ; il éprouvait un plaisir âpre et violent à manier le fleuret à la salle d’armes en pensant qu’à la fin ce fleuret allait devenir une épée ! L’espèce d’oubli dans lequel il était tombé n’était guère de nature à lui faire quitter une idée de misanthropie et de vengeance. Dans ses nuits agitées, il voyait ce lâche dont la bouche n’avait pas craint de déverser sur lui le fiel et l’injure ; il le voyait à genoux, humble et suppliant devant son épée… Il aurait enfin raison de ces tortueux mensonges, de ces insinuations qui flétrissent plus qu’une injure ! Par malheur, M. de Vannes était parti, et le secret de son voyage était assez bien recommandé pour que Saint-Georges n’obtint que de vagues renseignemens.

À peine revenu à Paris, une douleur plus accablante mille fois que toutes ces douleurs, une douleur à laquelle le chevalier attachait un sens prophétique, était venu l’assaillir : en arrivant il avait trouvé sa porte tendue de noir… Noëmi était morte ! morte sans un seul des baisers de ce fils pour lequel l’infortunée mère avait sacrifié sa vie ! Saint-Georges frémit à ce nouveau coup ; il baisa religieusement la main de ce froid cadavre, que nul, excepté Platon et lui, ne suivit au cimetière… La négresse fut enterrée à la nuit ; on plaça sur sa tombe une petite croix de pierre ; mais la tombe reçut le nom de Noëmi : le