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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

à la porte pour voir s’il n’était pas poursuivi sur l’escalier ; puis se précipitant tout d’un coup entre les bras de Saint-Georges, il l’embrassa quelque temps dans une muette étreinte… Ses vêtemens poudreux indiquaient assez qu’il venait de faire une longue route ; l’altération de ses traits était sensible.

— Mon frère ! s’écria-t-il en pressant de nouveau contre son cœur le chevalier ; mon frère ! je suis Maurice ; ne me reconnais-tu pas ?

Saint-Georges s’était levé à demi sur son séant ; il regardait cet homme avec une incroyable fixité. La contraction instantanée de ses traits était devenue presque effrayante… Maurice en eut peur rien qu’à voir le blanc de ses yeux ouverts et renversés dans leur orbite.

— Mon frère, reprit-il, vous voyez en moi un homme qui vient d’accomplir une promesse sacrée… une promesse faite à un vieillard dont nous devons tous deux porter le deuil !… M. de Boullogne m’a fait appeler hier à son lit de mort ; il m’a tout dit… Je sais votre héroïque générosité, votre abnégation, vos souffrances silencieuses. J’ai juré à mon père mourant d’obtenir de vous un double pardon, le sien d’abord, puis le mien. Me le refuserez-vous ? Je viens à vous, Saint-Georges, comme un accusé qui tremble devant son juge. D’hier seulement, d’hier je sais que vous êtes mon frère ! Ne me repoussez pas ; oh ! donnez-moi votre main !

— Ma main ? répondit-il avec ce rire désordonné et mêlé de larmes que donne la fièvre ; ma main, monsieur le marquis de Langey ! Vous voulez ma