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LA RUE BOUCHERAT.

main ? Elle est noire, marquis ; vous n’y pensez pas !

— Cette main, Saint-Georges, elle aurait pu se lever sur moi redoutable et menaçante ; elle ne l’a point fait ; elle est retombée sur la garde de son épée… Mais rassure-toi, mon frère ; j’étais digne de vivre ; va, tu n’as point épargné un lâche ! On ne t’insultera plus sourdement, vois-tu ; on ne ternira plus, à ton insu même, ton noble courage. Moi aussi, Saint-Georges, j’ai une épée ; tiens, regarde… elle a du sang !

Et le marquis avait en effet tiré son épée hors du fourreau la pointe en était colorée d’un rouge violet ; il était lui-même blessé à la main en deux endroits.

— Du sang ! s’écria Saint-Georges, que cette vue fit bondir sur son séant. Quel est-ce sang, Maurice, et contre qui venez-vous de tirer l’épée ?

— Contre un homme, Saint-Georges, qui n’avait pas craint de calomnier mon frère, contre un homme dont j’eusse voulu traîner le corps pieds et poings liés jusqu’à votre lit, contre M. de Vannes, que je viens de tuer, entendez-vous ?

— Que tu viens de tuer ! s’écria-t-il en faisant un effort pour s’élancer hors du lit. Oh ! répète-moi que tu l’as tué, et viens m’embrasser après… Maurice, tu es bien mon frère !

Cette rayonnante fierté que donne la joie, Saint-Georges l’éprouvait en cet instant ; d’abondantes larmes couvraient ses joues. Il touchait les mains et l’uniforme de Maurice ; il l’attirait vers lui et le pres-