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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

son hamac. Tout d’un coup un noir vint me chercher, disant qu’elle se mourait… Je montai en hâte dans l’appartement de Mme de Langey. Sa mulâtresse venait de la placer sur un lit ; elle éprouvait les douleurs qui précèdent l’accouchement… Ces douleurs mettaient sa vie en danger… En quelques secondes les deux médecins de la ville mandés par moi accoururent près de la marquise ; ils ne tardèrent pas à la déclarer en péril. Malgré mes prières, ils ne voulurent pas se charger de tenter l’accouchement. J’employai les menaces ; je n’obtins pas davantage. Désespéré, furieux, je m’en fus trouver ces noirs de la plaine, qui fêtaient là, à leur manière, la nuit de Noël. Ces gens me dirent qu’il y avait à une lieue des Palmiers une négresse plus savante que tous les médecins ensemble, renommée depuis peu dans le pays pour ces sortes d’opérations.

» On fut la chercher : elle vint. Je m’étais caché derrière un rideau pour que nul ne pût me voir et me reconnaître : j’aurais craint d’affaiblir par ma propre contenance le courage de la marquise. J’avais fait mettre un masque à Mme de Langey, dans la crainte que cet accouchement, que je voulais d’abord tenir secret, ne fût divulgué… Les cris de la marquise étaient devenus déchirans ; le danger augmentait, et les médecins parlaient de se retirer, lorsque la négresse approcha bientôt de cette femme, dont elle ne parut pas même curieuse de voir le visage. À ma grande surprise, elle l’accoucha heureusement… Et moi je ne m’élançai pas de ma cachette pour tomber à ses genoux, pour lui demander pardon !! Car je ve-