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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

vieillard. Ce vieillard s’appelait M. de Boullogne……

Chaque phrase du chevalier avait servi de texte aux railleries détournées du contrôleur général, dans les rapides instans qui avaient suivi le dîner ; chacune de ses anecdotes avait déchaîné sa verve caustique…

Ni la grâce nonchalante dont Saint-Georges assaisonnait ses moindres récits ; ni l’humeur modeste dont il cherchait à se faire une arme contre l’envie, n’avaient pu adoucir l’impitoyable vieillard. C’était une pluie de traits acérés qui était venue l’assaillir. Il semblait que le contrôleur général eût juré de le pousser à quelque fâcheuse extrémité. La finance, à laquelle il est assez difficile de reconnaître de l’esprit, avait certes été vengée amplement ce soir là par les cruelles épigrammes de M. de Boullogne ; ce n’était plus vraiment un contrôleur général, c’était un marquis.

Personne mieux que lui ne savait manier l’insulte. Il n’y avait guère qu’un Cid de vingt ans qui pût se fâcher contre cet autre Don Diègue, tant son ironie était celle d’un homme de cour, usant d’une expérience consommée et mettant sa moquerie à couvert sous la bonhomie habituelle à son âge. Sa malicieuse politesse avait d’abord accablé le triomphateur d’éloges immodérés, elle l’avait rendu l’objet d’une aliénation forcée. Peu à peu la vie de Saint-Georges était devenue un roman entre ses mains, il la commentait, il l’épluchait, il en tirait l’horoscope…… Le mulâtre l’avait à peine rencontré deux fois au Palais-Royal, et il le retrouvait à Sainte-Assise, aussi aigre, aussi