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SERVANTE ET MERE.

permettras quelquefois de voir les belles dames qui viennent te rendre visite et que je pourrai entrer à toute heure du jour dans ta chambre et m’enorgueillir de toi ! Tu as dit : « Ma mère ! » ah ! ta pauvre servante est bien heureuse !

— J’avais ordonné que l’on mît des fleurs à ces grillages, pourquoi ne l’a-t-on point fait ? Les gens qui montent chez moi par cet escalier dérobé peuvent vous voir…

— C’est moi qui n’ai pas voulu, Saint-Georges, parce que je vous vois, moi… à travers ce grillage… lorsque vous descendez. C’est un instant de plus de bonheur ! Et j’en ai si peu !

Cette fois Noëmi ne put contenir ses sanglots. L’infortunée ployait sous le poids de ce sacrifice journalier. L’attente mortelle de cette longue journée l’avait terrassée ; elle étouffait. La négresse poussa la fenêtre de sa petite chambre, et elle regarda le ciel.

L’orage de la soirée avait à peine rafraîchi l’atmosphère, encore chargée d’électricité. De gros nuages noirs traversaient pesamment le ciel comme autant de phoques au ventre allongé ; les murs de l’hôtel et les jardins étaient drapés d’ombres.

— Ce ne sont pas là, dit-elle, nos belles nuits de Saint-Domingue !

Elle pencha sa tête sur sa main amaigrie et regarda ce ciel, où ne scintillait pas une étoile.

— Hier, dit-elle à Saint-Georges en lui indiquant du doigt le côté du sud, il y en avait une là-haut…… Elle m’a souri pendant ton sommeil et m’a