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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

courut à lui pour l’apaiser : les mères sont sublimes pour oublier ; Noemi fut touchée du mouvement de Saint-Georges, elle retrouva de douces paroles.

— Tu me reviendras, vois-tu. Tu me reviendras lorsqu’elles t’auront trompé, ces femmes qui t’aiment moins que moi ! Tu retrouveras mon cœur tout entier ; ma bouche et mes baisers fermeront les blessures qu’elles t’auront faites. Peut-être alors me vengeras-tu à leurs propres yeux, peut-être leur diras-tu : « C’est ma mère ! »

Elle parla de la sorte un quart d’heure encore, en interrompant ses phrases par des caresses…… Tout son corps tremblait dès qu’elle sentait le contact chéri de ce fils ; on eût dit qu’elle appréhendait de l’irriter par les démonstrations de sa tendresse. Quand il s’éloigna après l’avoir embrassée, elle se tint l’oreille longtemps collée contre sa porte, écoutant les derniers bruits de son coucher, les mains jointes, comme si elle eût adressé sa prière à Dieu…

Cela fait, elle se souvint qu’elle était servante et sortit elle-même à tâtons pour éteindre la lampe qui brûlait dans l’antichambre…

La vie de cette mère était devenue un sacrifice tel qu’il importe ici d’en relever les mérites.

Comme mère, la négresse habitait une petite chambre ornée d’un vieux meuble de Bergame et de quelques images de sainteté ; Saint-Georges n’entrait dans cette chambre que le soir ; elle le voyait une heure !

Comme servante, elle se tenait une partie du jour dans la cuisine. Là, elle recevait les provisions, soit des cuisines du duc d’Orléans, soit du marché où