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LA PETITE MAISON D’UN FINANCIER

aux premières clartés du jour, s’étaient hâtées de revenir à leurs masques. C’était un sénat muet de démons noirs.

— Valet de malheur ! s’écria le duc, qui ne s’était fait faute de recourir au vin de Chypre pour donner le change à son ennui, passe-moi plutôt ce verre gravé d’Allemagne qui attend piteusement sur ce buffet !

« Je boirai du moins à votre santé, la belle enfant, continua-t-il en se levant de sa place pour présenter lui-même le verre à Agathe, mais ce ne sera qu’après vous, je vous en préviens !

Il eût fallu le voir, le regard ivre, chancelant à demi, porter lui-même ce verre aux lèvres de la belle fille… Vous eussiez reculé à l’aspect de cette audace ; ce n’était plus un prince, mais un cocher.

— Allons ! poursuivit-il, animé de plus en plus, ne me fais pas tendre ainsi le bras, mon Agnès !

— Je ne boirai pas, dit avec fermeté Mlle de La Haye. Partons, continua-t-elle en faisant signe à son défenseur.

Le masque se leva, il se contenta d’écarter avec rapidité le bras du prince ; le duc de Chartres s’en fut rouler tristement sur un sopha.

— Il ne sera pas dit que monseigneur aura demandé en vain une grâce ! s’écria à son tour le comte de Lauraguais ; allons, ma charmante, videz son verre !

Cette fois le masque saisit le verre et le rejeta sur le parquet. Le comte de Lauraguais tira son épée, le masque en fit autant et du premier coup le désarma.

En cet instant sept heures sonnaient, et le duc de