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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES

point envisagé l’imprudence, c’est que je suis honnête homme avant d’être courtisan !

— La chaleur que vous apportez dans vos excuses, chevalier, prouve assez que l’Agnès du quai d’Anjou vous tient au cœur… malgré la distance de la rue Saint-Honoré à l’île Saint-Louis !… Mais rassurez-vous, reprit Mme de Montesson avec un sourire dont Saint-Georges ne put pénétrer l’artifice, rassurez-vous ; j’aurai soin moi-même de vous épargner le voyage…

— Que voulez-vous dire ?…

— Qu’il ne tient qu’à vous, puisque vous aimez tant Mlle Agathe… ma cousine… de la voir le jeudi de cette semaine au Palais-Royal…

— Quoi ! vous auriez consenti ?…

— À la recevoir ? mais ce nous sera, à M. le duc d’Orléans et à moi, une véritable satisfaction… Nous ouvrons jeudi nos soirées théâtrales par un opéra et un concert. Jarnovitz[1] y fera de la musique, et vous à côté de lui, je l’espère bien… Là, mon cher chevalier, vous pourrez jouir en paix du bonheur de la belle Agathe… Il sera complet, je vous l’assure, ce bonheur ! elle ne m’accusera plus !

En prononçant ces dernières paroles, le visage de la marquise parut si rayonnant à Saint-Georges qu’il ne sut plus que penser. Avait-elle trouvé moyen de le ruiner déjà dans l’esprit d’Agathe ? La tranquillité qu’elle affectait semblait le prouver. Saint-Georges crut voir percer dans le sourire de Mme de Montesson

  1. Le célèbre violon (mort en 1804).