Aller au contenu

Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges, v3, 1840.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES

Elle le regardait comme une belle vierge dans l’extase… Par quel charme singulier l’avait-il dominée à cette distance, par quel admirable éclat l’avait-il éblouie ? c’est ce qu’Agathe pouvait à peine s’expliquer. Bientôt elle ne vit plus que lui seul dans cette salle, lui seul dont l’habit et les dentelles lui parurent admirables, même à côté de celles du duc de Chartres, qu’il dépassait de la tête…

L’opéra fini, elle le perdit de vue un instant ; il venait de quitter sa place. Le cœur d’Agathe battit ; il lui sembla qu’on lui avait enlevé tout son bonheur. Il reparut bientôt tenant son violon entre ses mains ; Agathe ne remarqua même pas que Jarnowitz lui cédait l’honneur d’être entendu le premier…

Il préluda…… Agathe crut voir s’ouvrir pour elle les portes du ciel. Sensible au delà de tout aux charmes de la musique, elle avait souvent apprécié le vrai talent de Maurice ; mais qu’était ce talent modeste, défiant de lui-même, près de celui de Saint-Georges ? Jarnowilz n’obtint pas les mêmes applaudissemens que le chevalier ; on eût dit qu’il le craignait.

Pendant que Saint-Georges disposait ainsi de toutes les facultés de cette enfant, la plongeant dans une foule de sensations inconnues, Maurice de son côté observa avec stupeur que la bague d’Agathe ornait son doigt… Il la reconnut cette bague scintillante au feu des lustres ; il la vit courir comme une folle étoile sur les cordes de l’instrument ; il sembla à Maurice qu’elle jetait un reflet de sang sur l’archet…

Depuis un quart d’heure il épiait Agathe sourde-