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UN MENUET

posés encore sur les touches du clavecin, je fus prêt a rompre le serment sacré auquel je dois mon admission près de vous ; ma tête brûlait, je n’avais plus ma raison ! La seule présence de Glaiseau me rappela bientôt à moi-même ; je sentis qu’il fallait élever entre nous deux une barrière, ce même soir je partis ! Hélas ! la solitude est mauvaise à ceux qui aiment ; me voilà revenu, Agathe, vous savez pourquoi !

— Vous êtes revenu, monsieur, pour me faire danser ce menuet, à défaut de mon pauvre maître à danser qui est malade. C’est un menuet nouveau, et M. Abeille le trouve charmant. Vous voyez que vous n’aurez pas quitté Brevannes et vos amis pour rien.

Voyant qu’il la regardait toujours avec des yeux supplians et ne se mettait guère en devoir de satisfaire son caprice :

— Allons, reprit-elle en agitant la sonnette de la cheminée, Glaiseau me donnera la main pour danser ; vous, monsieur, songez à l’air, voici le violon de M. Abeille.

Maurice avait un talent réel sur cet instrument ; seulement une timidité innée chez lui l’empêchait de le faire valoir devant un cercle. Il prit le violon de M. Abeille, et joua le menuet. La danse octogénaire de Glaiseau formait le contraste le plus étrange avec celle d’Agathe, dont le pied charmant frappait en cadence le parquet avec des frôlemens de soie délicieux. Maurice ne pouvait se lasser de la contempler, tant la perfection de ses formes était admirable…

Mlle Agathe de La Haye comptait dix-neuf ans. Ce