d’attention qu’aucune autre la glorieuse caravane. Elle avait passé une partie de la nuit à terminer l’équipement de Saint-Georges, c’était elle qui avait attaché les rubans et les fleurs de son chapeau ; son orgueil crédule s’imaginait que tous les yeux cherchaient son enfant. Elle n’ignorait pas qu’il se levait souvent la nuit, comme un maraudeur, pour prendre un cheval à l’éperlin et le dresser sans être vu ; malgré son habileté, elle éprouvait une certaine frayeur à le voir en selle…
L’heure du départ sonna. La robe isabelle du bâtard anglais que montait Saint-Georges disparut bientôt aux regards de Noëmi ; bientôt elle n’entendit plus autour de la case que des chansons de hattiers sortant le cachimbeau à la bouche et le grand fouet sur l’épaule. Un sentiment de tristesse indicible la saisit en se retrouvant seule loin de cet enfant chéri que la protection de son amour ne quittait pas. C’était pour la négresse un sacrifice immense et qu’elle ne tarda pas à trouver au-dessus de ses forces. Sans compter la fatigue qui pouvait résulter pour lui de cette route par un soleil accablant, fatigue que ses soins empressés lui eussent rendue moins pénible, la cérémonie dont il allait se trouver témoin lui paraissait de nature à exiger impérieusement la présence de sa mère. Quel intérêt cette pompe chrétienne pouvait-elle avoir pour une idolâtre comme Noëmi, pourquoi cette paroisse de Saint-Marc l’attirait-elle ? Noëmi seule le savait. Du jour où l’humble prêtre de ce modeste lieu s’était interposé entre le fouet d’un commandeur brutal et son malheureux enfant