— Cela aurait bien pu m’arriver sans votre petit postillon mulâtre, que vous me présenterez demain, car vous me l’avez promis, M. Platon ; mais ce n’est pas de lui qu’il s’agit…
— J’entends ; Mme la marquise veut me dire que la collation de M. Printemps a eu du succès. En cette saison, on fait ce qu’on peut…
— Vous vous moquez, ce n’est nullement de ma table qu’il s’agit, c’est de la table de Poppo, mon singe.
— Je me flatte, madame, que rien ne lui manque…
— Oh ! je le crois bien, il ne se plaint pas ! vous faites les choses admirablement pour lui ; nous l’avons trouvé achevant ce perroquet…
La marquise écarta les feuilles de laque d’un beau paravent chinois qui cachait Poppo ; le singe apparut à l’œil de Joseph Platon comme une monstrueuse représentation du vautour de Prométhée. Les plumes de l’infortuné perroquet jonchaient le tapis.
— C’est mon perroquet ! s’écria Platon éperdu.
— Comment ! votre perroquet ! reprit la marquise.
Il y eut un éclat de rire si communicatif dans le salon que toutes les vitres le répétèrent… La pose superbe de Poppo, son dédain et une sorte de satisfaction intérieure qui perçait jusque dans son silence, allumèrent encore plus la fureur du gérant… Silencieux et triste, il se contenta de ramasser les plumes de l’oiseau et de les serrer dans sa poche de l’air d’un amant qui ramasserait les morceaux d’une miniature chérie…