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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/130

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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

— Ce pauvre ami ! murmura intérieurement Platon. Qui me répétera maintenant le nom de Rosette ?

Il jeta au singe un coup d’œil oblique qui voulait dire : Tu mourras ! Poppo fit une gambade, Mme de Langey sourit.

— M. Platon, les devoirs d’un gérant d’habitation n’autorisent pas semblable holocauste. Si Poppo n’eût point rencontré ici votre perroquet, il ne lui aurait point fait ce mauvais parti ; mais le maître d’hôtel ayant jugé convenable de le lui présenter avant son dîner pour qu’ils fissent connaissance, Poppo a pris cela pour un à-compte… Inclinez-vous, Poppo ; pour vous punir, on ne vous servira plus que des ananas…

Et du bout de ses doigts rosés, Mme la marquise envoya au nez de son singe la plus adorable des pichenettes…

— Ne m’avez-vous pas écrit, monsieur Platon, reprit-elle négligemment, pour me prévenir d’un vol ; un négrillon que vous devez châtier, je crois ? J’entends, je veux que pour le baptême de mon cher Maurice, vous lui fassiez grâce…

— Il a devancé votre clémence, madame la marquise, il a pris la fuite vers les Grands Cahos…

— La fuite ! oh ! alors qu’on le poursuive, que l’on crève plutôt vingt chiens pour le ressaisir ! Je connais le prix d’un nègre, monsieur. Celui-là avait-il la peau frottée d’huile de palme ? était-ce un Guinéen ou un créole ? l’a-t-on acheté avec sa mère ? Parlez. Il faudrait peut-être punir la mère ; elle dirait la route qu’a prise le fugitif… Battue ou mise en