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UN NÈGRE ET UN PERROQUET.

prison, monsieur ! j’ai vu ce moyen-là réussir à la Guadeloupe !…

— Croyez, madame la marquise, que c’est la première et dernière fois !…

— C’est trop d’une, monsieur Platon ; vous ne savez pas vous y prendre, j’en suis sûre. Un esclave, c’est un revenu fixe, annuel, et vous ne voulez point, je pense, priver votre maître de ses revenus ! Je gage que vous surchargez la négraille ! Le difficile, monsieur, est de conserver un nègre en le nourrissant peu et de le faire travailler sans l’épuiser. Je vous ferai donner un excellent mémoire de France qui a paru là-dessus… Tenez-vous prêt, je visiterai demain les cases…

Mme de Langey laissa le contre-maître anéanti de son ton et de sa logique. Dans la colonie la plus florissante de l’univers, comme on nommait encore Saint-Domingue à l’époque de ce récit, l’arrivée de cette exigeante maîtresse était bien faite pour effrayer une conscience de gérant aussi peu en ordre que celle de Joseph Platon. Il affecta toutefois une certaine assurance dans le oui résigné qu’il prononça, et se retira après avoir bien promis à Mme de Langey d’être exact et de lui présenter dès le lendemain, à sa visite dans les cases, le jeune mulâtre, futur valet de chambre de Poppo, à qui il se jura bien de donner de tels conseils pour l’éducation du singe que le coupable animal mourût avant quinze jours.

Il avait paru plus cruel au gérant de perdre son perroquet que Zäo.