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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

payer le prix. Tout lui semblait dû, à cette nature égoïste, jalouse, avant tout, d’être belle et de se l’entendre dire, admirablement créée pour entraîner et pour perdre, pour vivre d’elle seule et de son amour exclusif, insensible à toute autre adoration qu’à la sienne, condamnant la passion et n’autorisant que le calcul !

Appuyée contre le rebord du balcon à demi ouvert sur les jardins, Mme de Langey causait alors familièrement avec Finette, armée d’un long éventail de plumes de paon pour écarter d’elle les moustiques. Pendant que les valets noirs faisaient circuler les ananas et les fruits glacés sur les plateaux, la marquise s’était fait apporter Maurice sur les nattes du balcon ; elle aimait à caresser ses cheveux, les plus blonds et les plus doux qu’une femme pût toucher. Égayé doucement par le chant des rossignols et des moqueurs perchés sur les arbres de la pelouse, le jardin de la grande case invitait à respirer le frais. La lune dardait ses rayons sur le parasol épais de figuiers qui ombrageait le perron ; sa balustrade de fer, entourée par un jasmin qui la côtoyait comme un feston, répandait le parfum d’une cassolette. Çà et là des bourdonnemens de mouches brillantes, quelques chants de colibris sautillant, comme des écrins mouvans, de fleur en fleur sur les plates-bandes du sol. Les vagues enchantemens de la lune donnaient à ce tableau une teinte magique de rêverie ; les rayons de l’astre, perçant la verdure condensée des arbres énormes et touffus de la pelouse, réalisaient une pluie d’argent sur ce tapis. À la sen-