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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/179

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L’HOMME À LA COULEUVRE.

d’ordinaire ceux du couchant, colorait les nattes diversifiées de l’appartement ; la fraîcheur de la brise était encore doublée pour la marquise par les plumes frémissantes de l’éventail et le balancement du hamac où elle s’était fait étendre par Finette. La mulâtresse avait levé les stores de la chambre, afin que la senteur délicieuse des jardins la pénétrât.

C’était un tableau ravissant que ces deux jeunes femmes, l’une debout près du hamac et chantant à sa maîtresse une chanson d’un rhythme égal au bercement méthodique de cette couche aérienne, vive et maligne figure dont le pinceau de Lancret eût pu rendre seul la piquante étrangeté ; l’autre, enveloppée de ce filet blanc et rose, voluptueusement noyée dans ses grands cheveux de jais, fuyant et revenant comme l’hirondelle dans son vol, pendant que la mulâtresse arrosait de temps à autre ses petits pieds d’eau de senteur, ou qu’elle agaçait une perruche bleue, retenue à sa chaîne d’argent près de la fenêtre.

Mme de Langey tenait alors entre ses mains deux bracelets en cheveux, ornés chacun d’un portrait, qu’elle venait de pendre nonchalamment sur sa toilette. Un hasard singulier avait pu seul accoupler sans doute ces deux bracelets, car la marquise ne les eut pas plutôt considérés qu’elle se hâta de les tendre à Finette, comme si elle eût redouté leur contemplation.

La mulâtresse, qui n’avait pas la même crainte, profita de la somnolence produite chez sa maîtresse par le balancement du hamac pour jeter sur les deux bracelets un regard d’indiscrétion.