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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/189

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ÉVÉNEMENS

animal n’était-il pas, après M. le marquis Maurice, le premier de la maison ?

Poppo était un assez laid sapajou, affublé pour l’ordinaire d’un immense chapeau d’Espagnol à plumes bleues et jaunes, comme en dut porter autrefois Pizarre. L’emploi de Saint-Georges était de lui mettre du rouge sur les pommettes, de peigner sa barbe et de lui présenter sur un cristal une appétissante guirlande de goyaves et de fruits cristallisés au sucre candi. Le caractère de Poppo était loin d’être commode : si on lui servait le punch ou le tafia trop chaud ou trop froid, il le rejetait insolemment à la figure de son page, accompagnant ce geste d’une foule de grimaces et de contorsions qui le faisaient ressembler à un vieux Caffre. Deux rangées de dents, aussi aiguës que celles d’un crocodile, donnaient peu d’envie de se jouer à Poppo, qui prenait en outre un singulier plaisir à rejeter sans cesse sur la veste brodée du mulâtre les gouttes de sauce, les morceaux de graisse et de pâtes confites dont M. Printemps, pour complaire à la marquise, le bourrait quotidiennement.

Entre tous les convives, celui qui avait donné le plus de mal à Saint-Georges pendant tout ce repas, c’était Poppo ; il l’ajustait malignement de ses doigts velus et lui lançait, pour le faire venir à lui, des noisettes, des pépins d’orange et autres projectiles. Comme on avait trouvé bon de lui laisser suspendre à son cou le tambour de M. Maurice, il frappa dessus à la fin du souper avec un si horrible vacarme que la marquise fit signe au mulâtre de lui arracher le tam-