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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/190

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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

bour. Saint-Georges s’empressa d’obéir ; mais, à l’instant même, l’odieux Poppo, dont le museau devint d’un rouge cramoisi, le gratifia d’un coup de ses ongles sur le cou, si bien que le sang en jaillit sur ses dentelles.

Il y eut un cri, un cri étouffé ; mais ce qui surprit les convives et les força presque à s’entre-regarder entre eux, c’est que le mulâtre ne semblait pas avoir poussé ce cri. Il se tenait paisible, bien que le sang coulât sous sa veste avec abondance. La colère du singe son maître grondait encore comme un tonnerre souterrain entre ses mâchoires serrées…

— Ce cher agneau ! dit la marquise en se retournant vers sa bête favorite et en lançant à Saint-Georges un coup d’œil irrité, il abhorre la contradiction !

— En ce cas, il ne faut jamais l’agacer, poursuivit le maître de latin, d’autant qu’il n’est pas orang-outang, simius satyrus, comme dit Linnée, et Tulpius après lui. L’orang-outang de M. Buffon, que j’ai vu, eut un jour une indigestion de fraises d’un accès de colère rentrée ; il est donc périlleux…

— De laisser cette fenêtre ouverte… monsieur le professeur. Le voisinage des maringouins nous va mal ; voilà sans doute ce que vous vouliez dire. Saint-Georges, fermez-la.

Jusque-là personne, hormis le mulâtre, n’avait pris garde à cette fenêtre… Dans la nuit produite au dehors par l’enlacement confus et sombre des campêches qui la bordaient et qui formaient un cordon serré vers cet angle de la case, scintillaient deux yeux tournés vers Saint-Georges, deux yeux