Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
ÉVÉNEMENS

d’azur, des couples d’anolis familiers se poursuivaient sur les herbes, étalant à la lune, qui ressortait des nuages, leurs belles écailles dorées. La marquise n’entendait plus aucun bruit ; Saint-Georges, couvrant ses oreilles de la paume de ses mains, écoutait avec impatience le cri du grillon troublant seul ces solitudes. Tout d’un coup, la crosse de son fusil, avec lequel il écartait les ronces parasites, heurta quelque chose d’agile et de furtif qui se déroula devant lui en poussant un sifflement ; c’était une couleuvre qui remonta bien vite au tronc noueux d’un mapou et se blottit dans ses cavités.

Au-dessous de l’arbre le singe était étendu, râlant encore ; le sang coulait à gouttes rares de son mufle rose, un sang presque verdâtre, coagulé déjà sous les piqûres de la couleuvre pourpre…

Avide, comme tous ses pareils, de détruire la nichée des oiseaux et de jeter leurs œufs à terre, Poppo s’était suspendu par sa queue aux fortes branches du mapou ; mais arrivé au gîte ténébreux de la couleuvre, elle l’avait piqué de façon à lui faire perdre l’équilibre. Le corps du pauvre singe, contusionné par l’affreuse chute qu’il venait de faire de l’une des branches du mapou, avait été reçu, pour comble d’infortune, par des bayaondes à crête aiguë : de là ces cris furieux et cette agonie du désespéré Poppo. Le singe se mourait autant de sa chute que du gonflement mortel de sa piqûre.

Toutefois ce ne fut pas ce spectacle qui fit ployer sous elle les genoux de la marquise ; — non, — mais une autre vue, vue soudaine, impérieuse ; Mme  de