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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

Deux pistolets damasquinés au pommeau reposaient pourtant à sa ceinture à côté d’un couteau fermé, dont la seule lame eût coupé la branche d’un tamarin.

Il ôta son manteau, le ploya et le jeta assez arrogamment sur le lit.

À l’index de sa main droite scintillait en vives bleuettes de lumière un diamant d’étrange grosseur.

Ce personnage était de taille exiguë ; c’était moins un hombre qu’un hombrecillo, mot qui résume merveilleusement en espagnol un petit homme.

En revanche, sous cet ensemble inculte, sous ces vêtemens secs et râpés, il conservait une expression de physionomie peu commune.

Son teint pâle n’avait rien de celui des habitans ordinaires de la partie espagnole ; ses dents, ses mains et sa barbe, toutes choses dont il se montrait fort curieux, n’appartenaient pas davantage à cette caste bâtarde, sœur de l’Afrique. Sa lèvre inférieure exprimait un grand dédain ; ses joues maigres couvaient la fièvre, mais cette fièvre continue à laquelle sont en proie, plus particulièrement sous les tropiques, les hommes sombres, haineux.

Rien qu’à le voir ainsi les bras croisés devant la marquise de Langey, vous eussiez deviné sa nature hautaine. L’arc de ses sourcils noirs se soulevait par momens au-dessus de son front plissé déjà de quelques rides bien qu’il eût à peine trente ans. Son regard limpide et froid dénotait l’opiniâtreté, mais une opiniâtreté terrible en sa voie, à laquelle rien ne