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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

croire qu’il a pris tous les moyens nécessaires à son repos ; ses amis sont devenus ses espions, je suis gardée à vue ; et si je me dévoue une dernière fois à vous recevoir, comme vous le demandez, c’est que vous allez vous-même au-devant de mes désirs. J’avais, monsieur, à vous demander mes lettres. Voici les vôtres que je viens de jeter au feu… Désormais, rien de commun entre nous ; ainsi que vous le disiez, cette entrevue demandée est la dernière.

« Un pareil discours devait mettre le comble à mes étonnemens de la journée ; il venait de bouleverser ma raison et de retourner dans mon cœur ce fer aigu que vous y aviez plongé.

« — Un tel aveu, m’écriai-je, et après sept ans d’absence ! Me revoir ainsi ! Ah ! Caroline, vous raillez. Partir, parce qu’il vous a pris fantaisie d’aimer cet homme ! Partir, parce que vous l’aimez ! Renfermer en moi cet amour et l’entendre rugir perpétuellement dans mon âme comme le lion dans sa caverne ! oh ! jamais, jamais ! Je ne vous aime pas comme un autre, moi : je ne vous poursuis pas de madrigaux, je n’étends pas sur vous le parasol, je ne danse pas avec vous comme un créole qui imite le grasseyement d’un duc français ; mais je sais traverser pour vous les plaines et les mornes, illuminer la nuit ma rivière de flambeaux pour que ses eaux vous charrient de l’or ; mes richesses et mon industrie sont à vous. Ce voyage, c’est pour vous que je l’ai fait. Sept ans entiers j’ai souffert, j’ai courbé mon front pour vous. Et vous me dites de partir, et vous me demandez vos lettres ! N’y comptez pas. Vous