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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/261

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TIO-BLAS.

ques secondes, et sans que la marquise, anéantie de frayeur, pâle, regardant avec un œil hébété, pût trouver seulement la force de l’interrompre :

« Nul habitué de la Concha ne s’était ému de pareille scène. Pour la plupart, ils ne se donnèrent même pas la peine de l’approfondir ; ils crurent que c’était une vengeance, de justes représailles à l’égard d’un capitaine anglais et de ses officiers. C’était au profit des Anglais, disait-on, qu’on avait fermé les mines. Le jour venait, et tous ces vautours avaient à cœur de regagner leurs repaires… Vis-à-vis de ce ciel d’un gris d’ardoise qui m’éclairait, les mains chaudes encore d’un meurtre, immobile devant le corps du marquis, dont les yeux ouverts me regardaient, je sentis s’opérer en moi une horrible révolution ; je compris ce que je venais de faire, une action lâche, infâme, que je ne me pardonnerais de ma vie. — En vérité, j’eus peur du ciel, peur de Dieu, peur de moi-même !

« — Du moins, m’écriai-je, si je l’eusse tué en duel, si mon épée eût rencontré son épée ! Mais non, je me suis jeté sur lui avec la fureur du tigre ; j’ai versé le sang d’un homme qui n’avait d’autre tort que d’aimer celle qu’il avait choisie et de souffrir pour elle mille supplices ! Le voilà mort loin d’elle et de son pays, sous un ciel qui n’est pas le sien ! mort après une vie de misère comme la mienne ! Aujourd’hui, dans une heure, il comptait mettre à la voile, et maintenant le voilà gisant à terre, près de ce capitaine de navire qu’il accompagnait !

« Et je frappais ma tête, puis ma poitrine ; je ren-