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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

ces dernières paroles, qui entraient comme un fer brûlant dans ma plaie, je faillis me trahir et venger moi-même cette belle âme si injustement raillée par cet amas de discoureurs indifférens. Ils m’avaient à peine regardé, j’étais mal vêtu, j’avais le teint hâve, miné par la fièvre ; un garçon de café me mit quelques limons devant moi, j’y imprimai mes dents avec une sorte de rage.

« Eux continuèrent :

« — Ce pauvre Langey ! il n’y a que les rois et les maris, on a raison de le dire, pour ne rien savoir de ce qui se passe ! Je vois toujours la bienheureuse expression de sa figure quand il apprit, à son retour d’un voyage de six mois à la Martinique, l’accouchement de Mme de Langey ! Il paraît, du reste, que la délivrance de la marquise n’avait pas eu lieu sans peine ; elle fut, dit-on, en danger de perdre la vie… Oui, sans une négresse que M. de Boullogne envoya chercher à une lieue des Palmiers… et qui sauva les jours de Mme de Langey…

« — M. le marquis Maurice de Langey ne venait point au monde, tu as raison, Martial. En vérité, c’eût été là grand dommage !

« — Il vous eût fallu voir, vous autres, avec quel air de souveraine tranquillité M. de Boullogne présenta lui-même à Langey cet enfant, quand le marquis fut de retour, quelle joie orgueilleuse le pauvre Langey ressentit à l’embrasser ; et cependant, vous le savez tous, l’enfant était né débile, délicat ; on hésita longtemps à le baptiser, il fut élevé dans le duvet, quittant à peine son berceau… soumis à la