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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

des vents contraires, vous m’aviez entretenu dans des idées de bonheur, en concluant le marché de votre honte avec un autre ! Mais vous ne saviez pas Caroline, que pour vous j’étais, devenu voleur, pour vous j’avais tué… pour vous !!! »

Tio-Blas, épuisé, appuya sa main contre le rebord du lit de la marquise, il sembla respirer après avoir déroulé de la sorte en quelques haltes pressées l’infernale chaîne de ses malheurs… La lumière de l’appartement imprimait à ses joues une pâleur singulière ses cheveux, grisonnant par mèches rares et dispersés dans le désordre de son récit, lui retombaient sur le front comme une crinière luisante. La marquise attendait la fin de cette nocturne entrevue comme un combattant déjà blessé attend la fin d’un duel… Si la fureur de l’Espagnol au lieu d’être refroidie bouillonnait encore, égalant sur elle-même les tournoiemens de la lave, la stupeur de Mme  de Langey, sa crainte, son attention, formaient en elle un conflit dépensées aussi actif, aussi absorbant, aussi lourd…

— Donc, poursuivit-il avec une voix sourde, vous êtes à moi, je vous ai achetée à double titre, par de l’or et par un crime !… Caroline, vous allez me suivre !…

— Vous suivre, Tio-Blas ! vous n’y songez pas ! vous suivre, vous l’assassin de mon mari !

— Je vous le répète, madame, j’ignore la différence de l’esclave qui tue ou du maître qui fait tuer… Encore une fois, comme il y a du sang à mes mains, il y a du sang aux vôtres. Caroline, regardez-vous !