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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

veux, tes diamans, ils sont là… là, dans cette cassette ! je ne te dirai plus rien ; voici la clé… Prends…

Et parlant ainsi, elle se roulait sur la natte, et elle étendait ses doigts crispés vers la cassette… La repoussant avec une ironie froide, il lui dit :

— J’attends ! comtesse de Cerda… Oublies-tu donc que ce n’est plus ici le marchand qui te parle, c’est un noble Espagnol, plus noble, je te l’ai dit, que ton financier… Quitte cet homme, et viens avec moi… J’ai des richesses, peu t’importe d’où elles me viennent. Ne sommes-nous pas maudits ?

— Mais moi ! moi, Tio-Blas, moi je ne suis pas libre… J’ai un fils !

— Je l’enverrai en Espagne, ou tu le renverras à son père si tu le veux. Ce n’est point le fils de Langey ! murmura l’Espagnol avec une rage dédaigneuse. L’enfant d’un mort eût été sacré pour moi, poursuivit Tio-Blas en essuyant la seule larme qui eût débordé de son œil sec.

— Tio-Blas ! dit-elle alors avec un accent d’inexprimable douceur que l’angoisse seule, l’angoisse désespérée peut donner… Tio-Blas ! je l’aime !…

L’oreille de l’Espagnol découvrit un tressaillement si aigu de peur dans la fin de cette phrase hypocrite que malgré la pantomime de la marquise il s’écria :

— Comédie !

— Ah ! tu ne m’accuseras pas d’aimer cet homme, reprit-elle en joignant les mains : cet homme, c’est un vieillard ; toi, du moins, tu es jeune, tu es beau !

Tio-Blas hocha la tête avec un sourire triste…