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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

relle… Le mulâtre, emporté dans le cercle des moindres fantaisies de Maurice, s’y laissait aller avec, une ardeur qui en relevait le but et en faisait pour lui de salutaires études. Son merveilleux instinct devinait tout, les joies, les volontés, les ennuis de son compagnon ; il y avait surtout chez Maurice une passion naissante que Saint-Georges cultivait : cette passion, c’était l’orgueil. Lui-même il trouvait d’abord un plaisir secret à la partager, elle rejaillissait sur sa condition, elle le mettait à couvert de toute insulte future. Il avait aussi pour cet enfant, confié à sa vigueur comme à une tutelle, des tendresses inexprimables. Souvent, en le berçant dans les soies de son hamac, il le regardait avec une larme comme le chien regarde son maître… N’était-ce pas à lui qu’il devait tout son bonheur ?

C’en était un réel pour le mulâtre, je vous jure, que de se trouver ainsi jeune, libre, accueilli sous les lambris dorés de cette case ! Il voyait ses pareils tournoyer autour de lui, mais ils étaient tous marqués de ce sceau qui assimile en cette contrée l’esclave aux bêtes de somme. Jamais la main d’un blanc n’avait touché leur col nu, tandis que celle de Maurice lui était douce aux sens comme à l’âme. Il serait un jour l’ami avoué de cet enfant, s’il ne devenait son mentor ; sa mère serait riche, heureuse, exemptée du fouet, de la misère ! Déjà aussi d’autres excitations inconnues faisaient battre le sang à ses artères, déjà peut-être son imagination fougueuse rêvait-elle un bonheur plus orgueilleux… Ses forces, que le climat avait développées d’une façon si précoce, lui donnant la