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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/365

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LE PORTEFEUILLE

tie de ses cavaliers avaient péri. Le Domingois lui avait assuré que le conseil de San-Yago avait mis sa tête à prix ; il se hâta de rassembler ceux de sa troupe qui restaient sur pied et de regagner le côté, plus sûr pour eux, de la partie française. Son air d’assurance ne s’était point démenti à la vue de ces blessés et de ces morts. Jusqu’alors Saint-Georges n’avait reçu de lui aucune paie, ce jour-là il doubla celle de sa troupe et lui donna une portugaise[1].

— Ce sera le commencement de ta fortune, lui dit-il ; avec cela tu pourras retourner quelque jour à l’Artibonite, quand je me verrai forcé de licencier mes hommes Si tu veux t’y marier, je me charge de ta dot.

À ce mot de mariage, le mulâtre soupira. Il se rappelait la seule femme qui l’eût aimé malgré son indifférence, Finette, dont sa fuite devait faire le chagrin. L’argent que l’Espagnol lui avait donné fut serré par lui soigneusement près des pièces d’or de sa mère, qu’il gardait dans sa valise.

— Pauvre mère ! pensa-t-il ; que dirait-elle si elle me savait au milieu de ces contrebandiers, vivant de ce que je trouve, complice innocent de cet homme que je n’avais jamais vu ! Oh ! je la reverrai, Dieu le permettra, Dieu, qui me guérit insensiblement de cet amour, qu’un démon avait fait germer en moi ! Grâce au ciel et à mon courage, me voilà fort maintenant contre les tempêtes du cœur ; la vie de ces hommes m’a éclairé : je vois que je suis comme eux un réprouvé de la terre,

  1. La portugaise vaut 60 francs.