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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

— Dompête n’est pas son Dieu, reprit le vaudou en regardant de travers Noêmi, qu’avez-vous besoin de ce prêtre ?…

En ce moment la toiture de l’ajoupa se vit assaillie d’un tel coup de vent que les cendres du foyer voltigèrent à aveugler les interlocuteurs de cette scène. La pluie était plus rare, mais les éclairs ne pouvaient s’éteindre, leur bandeau éblouissait. La saison des secs, qui dure à Saint-Domingue depuis le mois de novembre jusqu’à la fin de mai, avait fui, celle des pluies retrouvait son cours. L’ouragan soulevait ensemble l’air et le sable ; les palmiers et les bambous craquaient au loin. Les buttes de terre placées au milieu du petit ruisseau qui avoisinait l’ajoupa étaient couvertes d’une nuée de tourterelles qui venaient en roucoulant avec effroi y éteindre le feu dévorant de la soif. Les hennissemens des chevaux restés à l’éperlin se mêlaient aux mugissemens des mornes, la poussière et les tourbillons remplaçaient par intervalles la pluie.

Accoutumé à ces retours de tempête, le vaudou, élevant les bras au ciel avec une expression de confiance et d’orgueil, semblait prendre le ciel à témoin de la science de ses prophéties. Les autres habitans de la hutte étaient loin d’affecter une contenance aussi tranquille ; principalement Joseph Platon, qui depuis ce dernier choc de la foudre n’était pas fort rassuré. Pour Zäo, il ne cessait de répéter stupidement : Mari-Barou li après cogné ! [1]

  1. Mari-Borou, le tonnerre des nègres.