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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/52

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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

étendant leurs bras paresseux, sortaient timidement le pied de leurs cases : quelques-unes chantaient des airs du pays, d’autres allaient examiner en curieuses la plaine immense nommée le jardin, terroir aménagé à merveille dans le principe, mais que le défaut de culture avait laissé couvrir, depuis peu, d’herbes parasites. En effet, bien que cette cotonnerie fût une des plus importantes de l’île, il était facile de voir que l’œil du maître lui faisait défaut. Son opulent propriétaire, M. de Boullogne, n’y avait pas mis le pied depuis longues années et ne s’était guère inquiété que de ses possessions à la Guadeloupe, où le cabinet de France l’avait d’ailleurs envoyé, il y avait trois années à peine. La cotonnerie de la Rose était cependant renommée de longue date dans tous les ports de France et d’Angleterre, en raison de la beauté de ses produits, le quintal s’en était payé de tout temps une gourde au-dessus du cours. La surveillance de Joseph Platon n’avait pu effacer, en quelques mois, le dommage de plusieurs années de négligence ; au lieu d’arbres féconds, vivaces, la cotonnerie n’offrait guère que d’humbles plantes grêles et maladives, auxquelles pendaient quelques gousses isolées. Les nègres indolens s’y étaient adonnés beaucoup trop au jardinage, la déprédation des intendans successifs de M. de Boullogne les avait encouragés. Indépendamment de cette cotonnerie, l’habitation de la Rose possédait une bananerie superbe, l’ombrage des arbres les plus rares, deux corps de logis fort riches, l’un pour les étrangers, l’autre pour le maître, comme il est d’usage aux colonies,