titution de ce jeune mulâtre, comme il aurait fait de celle d’un cheval dans une foire, son agilité et sa force l’avaient frappé. Platon chassait souvent, et Saint-Georges aimait passionnément la chasse. L’ex-commis de l’octroi chantait, et le mulâtre ne mettait pas un long temps à lui répéter un refrain des Porcherons ou de Bercy, avec ce léger grasseyement créole, charme enfantin de la voix aux colonies. Enfin Joseph Platon, depuis son arrivée aux îles, avait commencé une fort belle collection d’oiseaux ; l’enfant aidait ses goûts de naturaliste en lui rapportant des pièces rares. Dans l’esprit étroit de Joseph, le mulâtre lui paraissait très-propre à devenir un jour conducteur des moulinières à coton ; sa confiance en son avenir n’allait pas au delà. Il lui faisait don de ses vieilles vestes de nankin, de ses dentelles fanées et de ses boucles de culottes. Comme en sa qualité d’ex-douanier il avait raclé jadis du violon, il n’était pas fâché de se produire avec quelque avantage chez les petits blancs, escorté de Saint-Georges, qui lui servait de domestique. Le digne Joseph Platon usait des deux esclaves de la manière suivante : Zäo se tenait accroupi par ses ordres sous sa table, quand il écrivait ses additions, pour lui garantir les pieds des moustiques ; Saint-Georges, debout, agitait un ventilateur autour de son corps. Quand il montait à cheval, c’était Saint-Georges qui lui tenait l’étrier, lui encore qui nettoyait ses deux chaînes de montre descendant jusqu’aux genoux et qui auraient pu, au besoin, lui servir à chasser les mouches.
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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.