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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

mission, il augura heureusement de cette nouvelle pour son avenir, forma le projet de se rendre nécessaire, de gagner l’esprit de Mme  la marquise de Langey, si bien qu’elle ne pourrait plus se passer de lui ; en un mot, il envisagea la chose plutôt comme une bonne fortune que comme un embarras qui lui survenait au milieu de cette douce et grasse oisiveté qui faisait sa vie.

Pour les embellissemens intérieurs, comme cela demandait du temps et que Joseph ignorait d’ailleurs le goût de Mme  la marquise, l’honnête gérant jugea prudent d’attendre un peu. Il se contenta de faire assurer les parquets et les solives des chambres, donna ses ordres pour qu’on enlevât les toiles d’araignées, que l’on réparât les nattes et les boiseries, criblées d’insectes. Il décora le maître d’hôtel, à sa demande, d’une belle livrée neuve et daigna même manger, par forme d’essai, plusieurs excellens pâtés de venaison dus au génie de ce Comus sexagénaire, ancien chef du maréchal de Saxe.

À l’égard du programme de cette fête, il l’élabora sérieusement. Il résolut d’y apparaître d’abord en acteur principal et de s’y faire entendre comme violon au milieu de tous ses noirs. Pour arriver à son but, il repassa toutes ses symphonies, ce qui effraya les oiseaux de ces bocages pendant un grand mois. Plus d’une pintade domestique en tressaillit, plus d’un noir s’imagina que le diable Hurrica lui-même donnait des leçons à cet Orphée. En un mot, Joseph n’épargna rien pour satisfaire à la pompe qu’exigeait pareille occasion.