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UNE AUBADE.

Ce plan de réception, digne en tout de Mme  la marquise de Langey, fut contrarié malheureusement par l’orage ; elle arriva à la nuit, par un temps affreux, peu propre à la mettre en belle humeur. On ne l’attendait que le 20 juin, et elle arriva le 7. Les premières lueurs du matin, qui éclairaient le désastre, ne lui offrirent que de tristes images : elle aurait pu compter par les croisées de la grande case les arbres déracinés, les feuilles de bambou surnageant au-dessus des rigoles, les lianes inclinées douloureusement, les ravines remplies de boue et de sable. La nuit, malgré la moustiquaire, le bruit de la bigaille avait troublé son sommeil, l’ondée avait ruisselé par les vitres, et les cris des négrites l’avaient effrayée. Tout le monde se trouvait aux plantations dès les premiers coups de la foudre : il ne s’était guère présenté pour la recevoir que le vieux maître d’hôtel, qui n’avait pu lui apprêter que quelques calalous. On l’avait reçue sans tirer un coup de fusil, ce qui est un mauvais présage. Aucun nègre enfin n’était venu au-devant d’elle, et c’était à peine si le maître d’hôtel lui avait su trouver un lit.

Comme pour l’indisposer encore, dès que le chant du coq éveilla l’écho, M. Joseph Platon, qui voulait réparer le temps perdu, se mit en devoir de rassembler, au son du tambour, les noirs et mulâtres esclaves de la Rose, qui accoururent tous, comme une troupe de pintades, sous les fenêtres fermées du balcon.

Brossé, poudré, épingle, à l’instar d’un bailli d’opéra comique, Joseph Platon les conduisait, escorté