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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

été cédé à bons deniers comptans par M. Exaudet, second violon de l’Opéra. Il logeait alors rue Croix-des-Petits-Champs, chez le pâtissier, vis-à-vis le cloître Saint-Honoré. Le digne homme que cet Exaudet ! il avait joué avec ce violon tout l’opéra de Jephté !… Je le vois encore avec son habit couleur de noisette et sa petite perruque… Eh bien ! où est-il donc passé, mon violon ? me l’aurait-on pris ?

Il se leva tout effaré de la table, où Noëmi, Zäo et le jeune Saint-Georges se trouvaient assis la minute d’auparavant. Joseph les avait tous trois admis à ce banquet avec les autres domestiques blancs de l’habitation, pour prix de l’hospitalité qu’il avait rencontrée la veille sous leur ajoupa, détruit à cette heure. Le digne gérant leur avait promis son aide auprès de Mme  de Langey.

Comme il furetait encore dans l’office, cherchant son précieux instrument et donnant son voleur à tous les diables, le verger, que l’on entrevoyait par les fenêtres de la salle, s’emplit subitement d’une harmonie nouvelle jusqu’alors pour les oreilles de Platon…

Le virtuose inconnu qui maniait ainsi le violon du gérant exécutait un trait en double corde disposé par Tartini, de manière à faire croire que deux instrumens se faisaient entendre à la fois. Des trilles brillans et pleins d’audace, des gammes chromatiques, dont les notes vivement attaquées semblaient autant de fusées éblouissantes, succédaient tour à tour à ce duo ravissant qui précédait et suivait le solo que faisait entendre l’archet, après avoir char-