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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

jamais marcher, fût-ce sur les nattes des cases. Mme de Langey se leva avec des façons languissantes et se retira après avoir donné encore d’autres ordres à Joseph. Une volonté très-ferme de domination perçait dans chacune de ses paroles. Joseph Platon en conclut qu’elle allait bientôt le tyranniser, il avait toujours craint les maîtresses femmes. Sur le pas de son boudoir où elle entrait, la marquise lui dit cependant avec complaisance :

— Était-ce vous, monsieur le gérant, qui jouiez du violon dans le verger, il n’y a pas encore une heure ?

— Vous êtes bien bonne, madame la marquise, c’était mon élève, un jeune mulâtre !…

Tout en rendant de la sorte hommage à la vérité, Platon appuyait beaucoup sur le mot élève.

— Je vous en félicite, monsieur Platon, vous voilà précepteur de noirs, vous nous amènerez ce garçon-là ; il apprendra le menuet à mon singe. Entendez-vous, je veux le voir dès demain !

Moitié ébaubi et moitié satisfait de cet accueil, Joseph Platon s’était éloigné. Il songeait aux choses qu’il avait à préparer pour le lendemain, au baptême futur de M. le marquis Maurice de Langey, néophyte, âgé de six ans ; à l’envoi d’un messager au curé de Saint-Marc, et enfin à la présentation du mulâtre, son élève, à Mme de Langey. Cette dernière recommandation le fit souvenir de Saint-Georges, auquel il avait enjoint de l’attendre à l’office. Il le trouva dans la société du maître d’hôtel, M. Printemps, qui, en sa qualité d’ancien soldat du maréchal de Saxe,