Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/103

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Alisa. Mélibée, ma fille, retiens cette brave femme avec toi ; il est grand temps que j’aille visiter ma sœur, la femme de Cremès, que je n’ai pas vue depuis hier soir ; son page est venu me chercher ; son mal s’est accru depuis un instant.

Célestine, à part. Voilà le diable qui prend le bon moment et qui augmente le mal de l’autre. Allons, brave ami, tiens bon, il est temps ; courage, ne la quitte pas, emporte-la-moi où je voudrais bien.

Alisa. Que dis-tu, amie ?

Célestine. Madame, maudit soit le diable et mon péché de ce que le mal de votre sœur augmente dans un tel moment ! Le temps va nous manquer pour traiter notre affaire. Quel est donc ce mal ?

Alisa. Une douleur au côté, telle que, selon ce que dit le garçon qui était là, je crains qu’elle ne soit mortelle. Prie Dieu, ma voisine, par amour pour moi, pense à elle dans tes prières.

Célestine. Je vous le promets, madame. En sortant d’ici, je vais aller dans les monastères où j’ai des moines à ma dévotion et je les chargerai de la mission que vous me donnez. De plus, avant mon déjeuner, je ferai quatre fois le tour de mon chapelet.

Alisa. Vois, Mélibée ; contente la voisine pour ce qu’il sera raisonnable de lui donner de son fil. Et toi, mère, pardonne-moi ; un autre jour nous nous verrons plus longtemps. (Elle sort.)

Célestine. Madame, où il n’y a pas d’offense, il n’est pas besoin de pardon. Dieu vous soit favorable, car vous me laissez en bonne compagnie. Que le Seigneur lui conserve longtemps sa noble jeunesse et sa gracieuse beauté, c’est le temps des plaisirs et des jouissances, et en vérité la vieillesse n’est que l’hôtellerie des infirmités, l’auberge des soucis, l’amie des querelles, une continuelle angoisse, une plaie incurable, une tache pour le passé, une peine pour le présent, une triste inquiétude pour l’avenir, elle est