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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/157

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fermé les yeux ; peut-il être déjà jour ? Ouvre, je te prie, ce volet près de ta tête, tu verras.

Parmeno. Je suis dans mon bon sens, ma chère ; il est grand jour, on voit passer la lumière à travers la porte. Traître que je suis ! quelle faute j’ai commise vis-à-vis de mon maître ! Je suis digne de châtiment. Dieu ! qu’il est tard !

Areusa. Tard ?

Parmeno. Et très-tard.

Areusa. Eh bien ! en vérité, mon mal de mère ne m’a pas quittée. Je n’y comprends rien.

Parmeno. Que veux-tu y faire, ma vie ?

Areusa. Que nous causions de mon mal.

Parmeno. Mon âme, si ce que nous avons dit ne suffit pas, pardonne-moi de n’en pas parler davantage, car il est grand jour. Si je m’en vais trop tard, je serai fort mal reçu par mon maître ; je viendrai demain et toutes les fois que tu voudras ensuite. Dieu a voulu que les jours se suivissent, afin que ce qui ne pouvait se faire en un seul se terminât le lendemain. Si tu veux que nous puissions nous voir plus longuement, fais-moi la faveur de venir aujourd’hui vers midi dîner avec nous chez Célestine.

Areusa. Avec grand plaisir. Va avec Dieu et ferme la porte derrière toi.

Parmeno. Dieu te garde !


Parmeno. Ô plaisir inouï ! ô joie sans pareille ! quel homme est ou a été plus heureux, plus fortuné, plus favorisé que moi ? Je ne puis croire encore que je possède un bien aussi précieux, un bien aussitôt obtenu que demandé. En vérité, si mon cœur pouvait se faire aux trahisons de cette vieille, je marcherais sur les genoux pour lui plaire. Comment lui payerai-je tout cela ? Ô grand Dieu ! à qui conterai-je ce plaisir ? à qui découvrirai-je un tel secret ? à qui ferai-je part de mon bonheur ? La vieille avait raison de me dire