Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/164

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Calixte. Que dis-tu, fou ? Toute la nuit est-elle donc passée ?

Parmeno. Et même une partie du jour.

Calixte. Dis-moi, Sempronio, ne ment-il pas, ce fou qui veut me faire croire qu’il est jour ?

Sempronio. Seigneur, oubliez un peu Mélibée, et vous verrez la lumière. Vous êtes toujours en contemplation devant son image, et son souvenir vous éblouit comme la lanterne fascine la perdrix.

Calixte. Je te crois maintenant, car on sonne la messe. Donne-moi mes vêtements, j’irai à la Madeleine, je prierai Dieu d’aider Célestine, de me rendre favorable le cœur de Mélibée ou de mettre fin à mes jours.

Sempronio. Ne vous fatiguez pas tant, il ne faut pas tout vouloir en une heure ; les gens sages ne désirent jamais avec grande impatience ce qui peut finir tristement. Si vous demandez de voir s’accomplir en un jour une chose pour laquelle il faudrait une année, votre vie ne sera pas longue.

Calixte. Tu veux dire que je suis comme le valet de l’écuyer galicien83.

Sempronio. Dieu ne me permet pas de dire pareille chose, car vous êtes mon maître ; je sais d’ailleurs que, de même que vous récompensez les bons soins, vous me corrigeriez pour avoir mal parlé. Mais on dit que les louanges et les paroles bienveillantes qu’on mérite par de bons services, ne rachètent jamais le châtiment ou la peine qu’on s’attire par quelque mauvaise parole ou méchante action.

Calixte. Je ne sais d’où te vient tant de philosophie, Sempronio.

Sempronio. Seigneur, de ce qu’une chose n’est pas noire, il ne faut pas en conclure qu’elle est blanche, tout ce qui reluit n’est pas or84, L’impatience de vos désirs, que la raison ne modère pas, vous empêche de juger de la bonté de mes conseils. Vous auriez voulu