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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/187

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donnée, il me devient difficile de supporter tes discours. De quoi doit-il être payé ? Que lui dois-je ? À quoi suis-je obligée envers lui ? Qu’a-t-il fait pour moi ? Qu’ai-je besoin de lui pour ce qui regarde mon mal ? J’aimerais mieux que tu me déchirasses la chair, que tu m’arrachasses le cœur que de t’entendre dire pareilles choses.

Célestine. L’amour s’est introduit dans votre cœur sans déchirer vos vêtements ; je n’ai pas besoin de déchirer votre corps pour vous guérir.

Mélibée. Comment nommes-tu cette douleur qui s’est ainsi emparée du meilleur de mon corps ?

Célestine. Le doux amour.

Mélibée. À ce seul mot je devine ce que c’est, je me sens réjouie rien qu’à l’entendre prononcer.

Célestine. C’est un feu caché, une plaie agréable, un poison savoureux, une agréable amertume, une souffrance délectable, un joyeux tourment, une blessure douce et cruelle à la fois, une douce mort.

Mélibée. Ah ! malheureuse que je suis ! Si ce que tu dis est vrai, mon salut sera douteux, car, à en juger par l’opposition qui règne entre toutes ces qualités, ce qui peut être utile à l’une peut être pernicieux à l’autre.

Célestine. Que votre noble jeunesse, madame, ne désespère pas du salut. Quand le Très-Haut donne la blessure, il place auprès d’elle le remède : je connais au monde une fleur qui plus que toute chose sera utile à votre salut.

Mélibée. Comment se nomme-t-elle ?

Célestine. Je n’ose vous le dire.

Mélibée. Dis, ne crains rien.

Célestine. Calixte. Oh ! pour Dieu ! madame Mélibée ! quel est ce peu de courage ? quelle est cette faiblesse ? Oh ! malheureuse que je suis ! Levez la tête. Ô maudite vieille ! voilà donc le résultat de mes dé-