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Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/190

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Célestine. Rien n’est impossible à qui le veut bien.

Mélibée. Dis-moi comment.

Célestine. J’y ai pensé et je vais vous le dire : entre les portes de votre maison.

Mélibée. Quand ?

Célestine. Cette nuit.

Mélibée. Combien je t’aimerai si tu le fais ! Dis-moi à quelle heure.

Célestine. À minuit.

Mélibée. Va donc, ma bonne, ma fidèle amie, parle à ce seigneur, qu’il vienne sans bruit, et s’il le veut bien, nous nous rencontrerons où tu as dit et à l’heure que tu as indiquée.

Célestine. Adieu, car voici votre mère. (Elle sort.)

Mélibée. Amie Lucrèce, ma fidèle suivante, ma zélée confidente, tu as vu que je n’ai pu faire autrement. L’amour de ce cavalier m’a captivée ; au nom de Dieu, je t’en conjure, que tout cela reste sous le sceau du secret, afin que je puisse jouir sans inquiétude d’un bonheur aussi parfait. Je te serai aussi reconnaissante que le méritent tes fidèles services.

Lucrèce. Madame, je me suis aperçue de ce que vous éprouviez bien avant ce jour, et j’ai prévu d’avance ce que vous désiriez. J’ai ressenti une vive peine de vous voir ainsi en péril. Plus vous cherchiez à étouffer et à cacher à ma vue la flamme qui vous consumait, plus il m’était facile de la reconnaître à la couleur de votre visage, aux battements de votre cœur, à l’agitation de vos membres, à votre peu d’appétit, à vos continuelles insomnies. À chaque instant vous laissiez échapper comme de vos mains les preuves les plus évidentes de votre peine. Mais lorsqu’un désir que rien ne peut contraindre s’empare de la volonté des maîtres, les serviteurs ne peuvent qu’obéir avec empressement et ne doivent pas essayer des conseils inutiles. Je me soumettais donc, quoique avec peine,