Page:Rojas - Lavigne - La Celestine.djvu/201

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vérité ? Si tu ne savais pas parler, Parmeno, on t’arracherait l’âme sans que tu connusses à qui tu as affaire. Ne fais pas le flatteur, comme le voudrait ton maître, et tu n’auras jamais à souffrir pour autrui ; n’écoute pas trop les conseils de Célestine si tu ne veux pas te trouver dans l’embarras ; ne fais pas trop de fidèles protestations si tu crains les coups de bâton ; sache quelquefois tourner casaque si tu ne veux pas rester les mains vides. Je veux compter comme si j’étais né d’aujourd’hui, car j’échappe à un bien grand danger.

Sempronio. Silence donc, Parmeno ! ne saute pas ainsi, ne sois pas si joyeux, on finira par t’entendre.

Parmeno. Tais-toi, frère, je ne me sens pas de bonheur. Comme je lui ai bien fait croire que c’était pour son intérêt que je refusais d’aller là-bas ! Je ne pensais qu’à ma sûreté. Qui saurait songer à soi aussi bien que je le fais ? Si tu y prends garde, tu me verras faire dorénavant bien des choses que tout le monde ne comprendra pas, autant avec Calixte qu’avec tous ceux qui se trouvent mêlés dans cette affaire. Je suis persuadé que cette demoiselle sera pour lui un leurre, un appât ; quiconque y viendra mordre payera chèrement son écot.

Sempronio. Va, ne te tourmente pas de semblables idées, bien qu’il puisse y avoir quelque chose de vrai. Tiens-toi prêt toutefois, au premier bruit que tu entendras, à prendre tes jambes à ton cou98.

Parmeno. Tu as lu au même livre que moi : Nous sommes deux pour un seul cœur ; mes jambes sont taillées pour la course, je saurai fuir mieux que tout autre. Je te remercie, frère, de m’avoir conseillé une chose que je n’osais te proposer ; si notre maître est aperçu, je crains qu’il ne puisse s’échapper des mains des gens de Plebère ; il ne pourra guère venir nous demander ensuite ce que nous avons fait et nous reprocher d’avoir fui.

Sempronio. Ô Parmeno ! mon ami, que la confor-